En 100 émotions [Drabbles]

Mon coude est sur le rebord de ma fenêtre et ma tête dans ma main. Je regarde la pluie frapper les carreaux en soupirant. J’ai été mise à pied aujourd’hui, la première fois de ma vie. Tout ça parce que j’ai perdu mon sang froid et j’ai tout foutu en l’air. Chaque jour j’ai envie de tout foutre en l’air. Ma vie qui n’a aucun sens, le meurtre de ma mère qui n’avance pas, mon petit-ami que je n’aime pas vraiment et cet écrivain dont je suis amoureuse secrètement. J’essaye de ne pas baisser les bras, des fils me les tiennent en l’air. Parfois, j’ai envie de les arracher d’un coup sec, ces fils, mais je ne peux pas, je n’y arrive pas. J’ai envie de me retourner vers ce marionnettiste et lui montrer d’un doigt accusateur ce que devient ma vie, ce qu’il me fait endurer mais je ne le fais pas, je me contente de sourire et de me laisser guider dans tous les sens. Alors aujourd’hui je me le suis permis et j’ai tout foutu en l’air.

- Pourquoi est-ce que t’écris ? Je n’ai jamais compris ce que ça t’apportais.

- Ça ne m’apporte rien, ça me sauve, ça garantit ma survie. Parce que chacun de ces mots qui sortent de mes doigts ou de mon stylo viennent du plus profond de mon cœur, de mes tripes. Et comme je ferme trop souvent ma gueule, je hurle en silence. J’écris des vies alors que je crie la mienne. Ce n’est pas juste mais ça fait tellement rêver que j’arrive à me faire sourire. Seul. Ta question est plutôt idiote en fait, parce qu’en me demandant pourquoi j’écris, tu me demandes pourquoi je respire.

Des larmes qui explosent, des cris et des suppliques. Une main qui se pose sur un bras avant d'être violemment repoussée. Un corps se braque.

- Vous ne pouvez même pas imaginer...

On ne peut jamais imaginer, on ne peut jamais comprendre. Mais son cas était différent, elle l'avait vécu, elle avait été à la place de cette jeune femme qui explose en sanglots. Doucement, elle lui tend une boîte de mouchoir d'où la victime en tire trois d'un seul coup.

Roy Montgomery fixe ces deux femmes partageant cette même douleur, ce même sentiment d'abandon. L'une tente de se réveiller de ce cauchemar tandis que l'autre l'est déjà et crie vengeance. Kate lui attrape brusquement les mains, surprenant le corps fragile qu'elle tient désormais. La jeune policière, le bleu, fait place à l'oiseau blessé qu'elle croise tous les matins dans son miroir.

- J'avais 19 ans...

Roy s'éclipse en silence, laissant aux oiseaux blessés le temps de récupérer leurs plumes.